Culture(s) dans la Ville et culture « de » la Ville. Une interrogation pour tous !

Fin d’un cycle de conférences à Brumath.

La ville comme centre-culturel ouvert à tous ?

L’association Citoyenneté et Démocratie Locale a tenu sa dernière conférence-débat de la saison le 16 juin à la
Salle des fêtes de l’hôtel de Ville de Brumath.
Elle avait invité Gérard Heinz, ancien directeur des
programmes de France3-Alsace, pour évoquer le thème de la Culture dans la ville. Aujourd’hui à la retraite, Gérard
Heinz, né à Brumath comme il a tenu à le dire, a été actif
dans la presse et les médias tout en ayant été pasteur de l’Eglise de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de
Lorraine, puis directeur d’une grande librairie strasbourgeoise. Affirmant ne pas être un spécialiste, il a défendu la thèse selon laquelle le poids de la technique a changé radicalement l’urbanisme. Faisant un survol de ce que la ville a signifié dans l’histoire depuis l’Antiquité, il a convenu que bien des représentations ont fait une mauvaise image de la ville alors que la campagne a longtemps
représenté l’enchantement. Cependant,la ville, au fil des siècles, a aussi gagné en profondeur et en considération.
Elle est devenue le lieux des idées et de la culture, de la prise de conscience des hommes mais aussi le lieu
d’affirmation des pouvoirs, des totalitarismes se développant. Le conflit entre campagne et ville s’est trouvé dépassé par l’arrivée des techniques de l’ère industrielle.On y a vu successivement se développer le poids des techniques des matériaux de production, puis celui des techniques de transports et, enfin, celui des techniques de
télécommunication. Mais, après la Seconde guerre mondiale et l’expansion économique, l’urbanisation généralisée a
contribué à définir un nouveau milieu où ville et campagne semblent se confondre : le rurbain.

Pour Gérard Heinz, la ville a développé « des » cultures et
non pas une culture unique. La culture y est forcément plurielle puisque la ville a toujours accueilli, dans des proportions variables, des populations nouvelles. Son architecture ne peut pas être unique. Et de citer
Lévi-Strauss pour qui « Les villes sont les œuvres humaines
par excellence ». Mais les cultures inquiètent d’autant plus que la ville moderne est aussi le lieu du désenchantement
avec la disparition du charme religieux et même parfois du religieux. La modernité ne s’arrête pas et la
technocratisation se développe avec les incompréhensions pouvant en résulter. La ville peut susciter des affects dont celui de la « haine de la ville » que l’on connaît périodiquement dans la paix comme dans la guerre.
Gérard Heinz a donné l’exemple de la Seconde Guerre Mondiale lorsque chacun des belligérants ont « cassé des villes ».
Dans cette perspective, les Alliés avaient bombardé des centaines de villes allemandes alors qu’il était acquis qu’elles ne présentaient aucun objectif stratégique. Le
débat est revenu dans la presse d’Outre-Rhin au début de l’année.

La ville ne peut évoluer sur le plan de « sa » culture qu’en étant un lieu ouvert aux échanges et à la fécondation interculturelle. A fortiori de nos jours lorsque l’on
construit l’Europe. Pendant longtemps, la politique et l’urbanisme ont été influencés par les idéologies dans leurs conceptions. Or, selon l’orateur, chaque fois que les architectes, les politiques, les artistes et les opinions publiques s’entendent, la ville peut vivre et se développer dans le non-enfermement, y compris quand la ville prolifère dans le cadre de districts, de communautés urbaines ou de communes, de technopoles. En conclusion de son propos nuancé et partagé sur le sujet, la question essentielle reste posée
par l’orateur : Quelle place pour la culture dans l’ordre urbain en constante évolution ?

Le débat a permis d’éclaircir certains points.
M. Serge Schaff, adjoint au maire responsable de la culture
à Brumath, a relevé, qu’avec la contraction de l’espace et
du temps, on observe une réduction du lien social avec la diminution progressive des lieux de rencontres et de
contacts au sein de la ville. Gérard Heinz partage l’observation. Pour lui, il y a certes un paradoxe mais, de
nos jours, le réel s’imprègne de plus en plus du virtuel.
Pour bien des personnes, « le virtuel est devenu réel et le réel virtuel ». Allant sur le terrain qui a longtemps été le sien, Gérard Heinz rappela qu’avec la prolifération des programmes, la télévision a augmenté les écarts culturels
que l’on retrouve aussi dans les pratiques culturelles. Un participant souligna que la force des villes, c’est de
pouvoir être, précisément, un « centre culturel » où les échanges devraient être simples et se développer de diverses manières. Et que la ville devrait pouvoir encourager le
désir d’aller à la culture par « les » cultures des uns et
des autres.

Michel Mathien, président de l’association et animateur du débat, a remercié l’orateur et les participants. Pour l’association, cette conférence était la septième depuis le début de l’année. Le public sera averti à la rentrée du prochain cycle de conférences.