Reconstruire un milieu éducatif à partir de l’Ecole

« Reconstruire un milieu éducatif à partir de l’Ecole »

Pour François Galichet, « l’Ecole doit se reconstituer comme milieu éducatif ». Elément fort de la conférence tenue, vendredi dernier au Collège de Brumath, dans le cadre du cycle « violence, société, éducation » de l’association Citoyenneté et démocratie locale, son propos ne pouvait qu’être entendu avec intérêt. Le collège avait été « agressé » dans la nuit du 29 au 30 mars : un de ses bâtiments a été l’objet d’un incendie criminel

En leurs qualités respectives d’hôte et d’organisateur, Mme Danielle Schang, principale du Collège, et M. Michel Mathien, président de l’association, ne pouvaient pas faire abstraction de ce « fait divers », dont les auteurs ont été arrêtés depuis, mais qui a affecté la vie de l’établissement. C’est dire que le thème de la soirée a revêtu une pertinence toute particulière et que l’orateur était attendu sur les questions posées : « Quelles finalités pour l’Ecole ? Pour quels engagements ? Avec quelles responsabilités ? ».

Professeur de philosophie à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de l’Académie de Strasbourg, François Galichet a dressé un panorama de l’évolution de l’école publique depuis les lois Jules Ferry au début de la IIIème République. Exercice fort utile pour mesurer les distances et mutations opérées avec l’évolution de la société, de son économie, de ses modes de vie et, bien entendu, de ses valeurs. L’Ecole de la République avait deux finalités. La première, « instruire le peuple comme base au développement de la démocratie », était aussi devenue une nécessité en raison du passage d’un environnement social majoritairement rural à la société industrielle. La seconde était nettement politique au sens large puisqu’il s’agissait, après la chute du Second Empire, de « forger l’unité de la Nation ». Pour l’orateur, l’Ecole a globalement réussi puisque tout le monde, quelles que soient les origines sociales de chacun, est passé par l’Ecole et que la France est devenue une démocratie qu’on ne conteste plus en soi.

Succès, point faible et Charlot en référence

Cependant, « le succès est aussi devenu son point faible » dans le cadre de l’évolution de la société et de ses valeurs avec le libéralisme économique, le consumérisme et l’individualisme qui l’accompagne tout en se développant. Or, si « la réussite sociale passe par la réussite scolaire, celle-ci est devenue une pression pour tous : pour les parents, les enseignants et les enfants ». En résumé : l’Ecole est devenue une fin en soi en fonctionnant de façon similaire à ce qu’était l’usine avec son organisation rationnelle du travail et avec sa chaîne. Le film de Charlie Chaplin, Les Temps modernes, a plusieurs fois été cité. Avec, pour comparaisons, la cloche ou la sonnerie, l’emploi du temps rigide et fragmenté par matières ou disciplines organisant la vie de l’élève, les programmes imposés, les directives aux enseignants, aux chefs d’établissement etc., qui laissent des marges de manœuvres limitées.

Le modèle social, économique et culturel devenu le nôtre, a contribué à déstructurer toutes les organisations (institutions, partis politiques, syndicats, églises etc.…) et favorisé une école de masse, dans une société de masse, une économie de masse, avec une télévision de masse… L’Ecole s’est détachée de sa dimension communautaire en lien avec son environnement de proximité qui était celui des familles des élèves accueillis. « La compétition y tient lieu de motivation éducative ». Et ce n’est évidemment pas la meilleure selon l’orateur ! Les gratifications (notes, examens, diplômes…) ne sont plus source de plaisir ; elles ne sont plus partagées par tous, a fortiori quand des structures communautaires se développent comme dans certaines banlieues de grandes villes avec des cultures spécifiques.

Reconstruire un milieu éducatif à partir de l’Ecole

La conclusion principale de François Galichet est dans la nécessaire reconstruction, au sein de la société française, d’un milieu éducatif à partir de l’Ecole et autour de l’Ecole. C’est la condition pour que l’on puisse restaurer l’autorité, le respect et la discipline. Comment peut-elle éduquer à la Règle et à la Loi, ou aux conditions d’une vie sociale harmonieuse, si l’environnement social est décalé par rapport à ses projets éducatifs ? Si elle ne s’inscrit plus dans une grande communauté solidaire ?

Les questions des participants, enseignants ou parents, ont porté sur des cas concrets comme sur la vie en société et la vie à l’Ecole. François Galichet s’est référé plusieurs fois aux principes éducatifs de Jean-Jacques Rousseau mais aussi à son « contrat social » unissant chacun à la société. Mais comme cela lui a été posé : « Y a-t-il encore un contrat social ? » - Question délicate mais fondamentale pour l’avenir !